1ère TABLE RONDE : Des enjeux à la prestation terrain de nos professions
Selon Monsieur Jean-Hervé LORENZI, Président du Cercle des Économistes, la conjoncture est favorable pour une évolution de l’épargne puisqu’il n’y a pas de difficulté majeure sur les taux d’intérêt en 2018. La croissance de la France n’est pas exceptionnelle mais mieux que les années précédentes.
Il est évident que tous les gouvernements successifs ont souhaité modifier les conditions de l’assurance vie. Le gouvernement actuel préfère favoriser l’épargne à long terme plutôt que l’épargne à court terme.
Le second constat de Monsieur Jean-Hervé LORENZI est que nous assistons au « délitement de notre économie » et de notre appareil productif. L’immobilier se porte bien mais ce n’est pas le cas de la robotique ce qui impacte le commerce extérieur. Il faut « redonner du muscle à notre économie ».
Toutefois la fiscalité en général persiste à être un problème non résolu. Il reste encore trop de niches fiscales.
Le dernier constat est que l’épargne globale des français (10.000 Mds€) est de 57% en immobilier. Les 3 vecteurs sont les suivants :
- assurance vie : 31%
- immobilier locatif : 20%
- produits réglementés : 20%
L’épargne salariale restant secondaire.
L’épargne vers la dette est de 23% et celle vers les obligations de 35%. La partie actions est moins forte que dans les autres pays. Les produits de dettes sont concentrés sur l’Etat et les grandes entreprises. Les petites entreprises ne sont pas bien financées. Il existe deux façons de financer une entreprise :
- financement par les actions existantes : c’est seulement pour rehausser la valeur de l’action.
- financement par une émission d’actions : cela permet de donner une richesse à l’entreprise.
Le premier objectif, selon Monsieur Jean-Hervé LORENZI, est de trouver des produits qui ne deviennent pas idéologiques. Il faut garantir une fois par an et non pas après 8 ans. Par exemple, une proposition de garantie des fenêtres de sortie pour l’enveloppe euro-croissance.
Le second objectif est qu’il faut donner de la liquidité à l’immobilier car le niveau moyen du patrimoine est au-dessus du niveau moyen de revenus des français. Il y a également la problématique de la dépendance à prendre en compte. La liquidité en immobilier ne se traduit pas seulement par le viager, il faut d’autres solutions notamment pour les jeunes français.
Selon Madame Amélie de MONTCHALIN, députée LREM et coordinatrice des députés En Marche à la Commission des Finances, il y a beaucoup de points de résonance. L’objectif de LREM est l’emploi. Les PME font tourner l’économie au quotidien. Les échéances bancaires à 3 ans ne permettent pas de financer l’innovation ni la création d’emploi. Il faut des PME capables d’avoir une visibilité sur 10 ans mais le frein est la dette bancaire. La solution proposée par la députée LREM est l’émission d’actions pour allouer plus d’épargne française pour que les entreprises aient plus de fonds propres. L’objectif est de 10 Mds€ ce qui est atteignable selon la députée.
La conséquence de la réforme fiscale selon Madame Amélie de MONTCHALIN est que nous avons besoin des CGP pour saisir les opportunités d’investissements différentes. Le métier du CGP n’est pas que de réaliser des conseils en défiscalisation mais plutôt des conseils en investissements. Il faut récréer la chaîne, si la banque n’a pas de solution bancaire à proposer à son client, elle doit pouvoir voir avec un partenaire financier.
Madame Amélie de MONTCHALIN considère que le PEA-PME est une complexité administrative. L’incitation fiscale reste le premier vecteur d’investissement, il faut donc mettre en place des paniers d’actifs avec une allocation diversifiée et une personnalisation plus forte.
Monsieur Eric WOERTH, Président de la Commission des Finances à l’Assemblée Nationale, est d’accord avec les propos de Monsieur LORENZI et de Madame de MONTCHALIN mais souhaite du concret. Nous sommes dans une phase de croissance à 1,8%, l’important étant de maitriser la dépense publique. La France est peu créatrice d’emploi, il y a une stagnation de la productivité du travail, il faut donc investir pour augmenter la productivité et la compétitivité de la France. Il y a donc une nécessité d’un appel à l’épargne ce qui serait un moyen de financement des PME via une épargne en fonds propres et quasi fonds propres.
Selon Monsieur Eric WOERTH, il faut éduquer les français à l’épargne pour qu’ils puissent diversifier leur portefeuille.
Les niches fiscales correspondent à une baisse de la fiscalité mais il convient d’en mesurer l’efficacité. Pour inciter à l’épargne, cela doit passer par la fiscalité puisque en France elle est élevée.
Concernant l’épargne retraite, Monsieur Eric WOERTH rappelle que « vivre est un risque ». Les systèmes par répartition doivent être réaménagés notamment en partant plus tard à la retraite. On peut d’ores et déjà prendre sa retraite à la carte. Il conviendrait de voir avec tous les systèmes qui existent comme la capitalisation qui n’est connue que par l’assurance vie. Selon Monsieur Eric WOERTH, l’euro-croissance a été un échec, il faut travailler avec les assureurs sur ce sujet.
Concernant l’ISF, Monsieur Eric WOERTH indique que l’IFI est sur une base inférieure. Il serait possible, selon lui, de baisser son impôt sur le revenu si l’épargnant accepte de prendre plus de risques. Monsieur Eric WOERTH estime que le plafond de 10 000 euros pour le Madelin est trop bas et critique la réforme sur la taxe d’habitation du gouvernement actuel.
Madame Amélie de MONTCHALIN répond que l’objectif est de réorienter l’épargne de manière structurelle et non pas par des coupes budgétaires.
Monsieur Philippe ADNOT, sénateur et membre de la Commission des Finances, se définit comme le « sénateur du réel observé » et se demande ce qu’il se passera s’il y a rupture dans la chaîne de financement du fait de la suppression de l’ISF-PME sans véritable compensation via l’IR-PME qui reste soumis au plafond global des niches. Il est d’accord avec les précédents échanges sur la création d’emploi et le développement des entreprises mais, selon lui, cela ne fonctionnera pas sur les entreprises à risque puisque les investisseurs préféreront toujours la sécurité et que ces entreprises nécessiteront toujours un très fort accompagnement. Pourquoi, si l’on ne peut plus agir via la fiscalité, ne pas proposer une couverture du risque par un mécanisme assuranciel ? Il faut cadrer l’utilisation de l’argent lorsque c’est risqué, c’est en ce sens que le sénateur a déposé un amendement, parmi d’autres, la semaine dernière. Ses solutions portent sur les niches, les méthodes et les mécanismes. Des niches mieux encadrées sont nécessaires pour éviter les financements à problème type énergies nouvelles en Espagne qu’on a pu connaître par le passé, ou encore, le secteur hôtelier, les EPAHD ou les crèches qu’il a souhaité écarter du bénéfice de l’IR PME.
Monsieur Eric WOERTH signale que nous ne sommes pas dans un contexte idéal puisque très réglementé en France. Avec la croissance se développe la notion de risque qui génère un cercle vertueux. Pour répondre à la nécessité d’orienter l’épargne vers le risque, l’incitation reste un argument moteur. Quant à la poursuite du cercle vertueux, celui-ci ne peut être envisagé qu’avec moins d’impôt et moins de déficit.
D’après Monsieur Jean-Hervé LORENZI, nous avons passé un demi-siècle avec une épargne supérieure aux investissements nécessaires mais cette dernière était trop sécuritaire. Il conviendrait de trouver des processus que l’on peut appeler « niches » sinon nous assisterons à un ralentissement de l’économie mondiale.
Monsieur David CHARLET, Président de l’ANACOFI, indique que dans les autres pays européens les épargnants prennent plus de risques que les épargnants français. La question est de savoir si nous pouvons amener du volume alors que seuls les produits sans risque vont fonctionner.
Monsieur Robert OPHELE, Président de l’AMF, rappelle qu’avant nous pouvions avoir une épargne sûre et liquide avec une rémunération réelle positive mais cela n’est plus possible depuis la crise financière. Aujourd’hui il faut donc diversifier ses placements. A défaut, les épargnants seront certains de perdre en partie leur épargne. Le Président de l’AMF ajoute que le taux du Livret A ne couvre pas l’inflation, que les entreprises françaises sont endettées. La perspective d’une chaîne de financement apparaît être une solution face à cette problématique d’endettement.
Selon Monsieur Robert OPHELE, « prendre du risque quand on n’est pas conseillé c’est prendre un risque encore plus risqué ». La diversification est au cœur du conseil.
Madame Amélie de MONTCHALIN répond que ce sera justement l’objet de l’évènement du 22 janvier 2018 pour les intermédiaires financiers. Si les produits se trouvent dans un panier d’actifs, il y aura moins de risque. Pour cela, la députée utilise une métaphore avec des légumes anciens : si on vous propose d’acheter des panais et des topinambours que vous ne savez pas cuisiner, vous ne les achèterez pas alors que si ces légumes se trouvent dans un panier mélangés à d’autres légumes que vous savez cuisiner, vous pourriez acheter ces légumes anciens.
Monsieur Eric WOERTH ajoute qu’il faudrait également agir sur les droits de succession dans le cadre de la transmission de patrimoine. Pour cela il conviendrait de revoir les droits de donation afin de pouvoir faire circuler l’argent. Sur ce sujet, la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale pourra être force de proposition. Ce sujet devra également être abordé lors de l’évènement du 22 janvier 2018.
Madame Amélie de MONTCHALIN estime, quant à elle, que la fiscalité doit être vue comme un tout, l’objectif étant un réajustement au service des PME en réorientant 10 Mds€ vers le risque.
Monsieur Jean-Hervé LORENZI propose des fenêtres de garantie tous les ans ou deux ans. La solution serait par la donation ou un euro-croissance nouvelle génération.
Selon Monsieur Philippe ADNOT, il ne faut pas de rupture dans la chaîne de financement, or c’est exactement ce qui risque de se produire, et il ne faut pas, par ailleurs, renoncer à simplifier et régler les problèmes de gouvernance.
Monsieur David CHARLET rappelle qu’un créateur d’entreprise a en moyenne 40 ans, c’est-à-dire au moment où il était susceptible d’hériter et donc de disposer de capitaux liés à la succession. Or, à ce jour, avec l’allongement de la durée de vie, c’est en moyenne à l’âge de 60 ans que la situation d’héritage intervient.
Il n’est pas inquiet pour trouver de l’épargne orientée vers le risque puisque les flux bruts des membres de l’ANACOFI sont entre 40 et 45 Mds€.
Pour conclure, le Président de l’ANACOFI indique que si on veut amener les épargnants à prendre plus de risques, les protocoles réglementaires doivent nous le permettre. L’implication du régulateur aux côtés du monde associatif professionnel est donc nécessaire.
2018, année de révolution réglementaire pourquoi, comment la gérer et comment investir ?
Monsieur David CHARLET, Président de l’ANACOFI, rappelle qu’il n’y a pas que MIF II comme évolution réglementaire en 2018 mais aussi le Règlement Général sur la Protection des Données Personnelles qui va être un choc technologique. Il y a une multitude de sujets au même moment et nos entreprises devront s’adapter. Ces réformes ne vont pas changer l’économie mais les effets à la fin de l’année 2018 sont inconnus d’où la nécessité d’un accompagnement et d’une gestion en souplesse.
Selon Maître Silvestre TANDEAU de MARSAC, avocat associé Cabinet Fisher, Tandeau de Marsac, Sur & Associés, le régulateur est confronté à des défis par des nouvelles pratiques notamment les Fintechs et la question se pose de savoir comment les réguler. Certaines seront soumises à une réglementation souple et d’autres à une réglementation plus stricte.
L’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine financier amène à se demander qui fera le contrôle de conformité, l’homme ou la machine ?
Maître Silvestre TANDEAU de MARSAC ajoute que le Bitcoin et les ICOs ne sont pas réglementés, ne font l’objet d’aucun contrôle et pourtant le phénomène augmente.
Monsieur Eric PINON, Président de l’AFG, parle lui d’écosystème. La réglementation sert à couvrir des risques, il ne faut donc pas la craindre puisque nous ne sommes pas face à une « sur-réglementation » qui générerait de la concurrence. Il s’agit de la mode du « level playing field » mais à condition de savoir si on a le droit de jouer en dehors du terrain ou non. Le Président de l’AFG utilise la comparaison entre les règles du football et celles du rugby concernant les lignes de terrain.
D’après Monsieur Eric PINON, MIF I en 2007 permettait de protéger la transparence mais est-ce que MIF II permettra de rendre le système plus lisible ?
Selon le Président de l’AFG, la réglementation doit être utilisée positivement, « si le client a un bon conseil, il aura une culture du risque mieux contrôlée ». L’AMF est consciente des enjeux de la compétitivité pour rendre les intermédiaires financiers concurrentiels.
Monsieur Benoît de la CHAPELLE BIZOT, Directeur Général Délégué de la FBF, estime que la réglementation est une chance si elle est maîtrisée. L’AMF doit donner des usages de place, comment faire en pratique, à travers des guidelines afin que tous les acteurs aient le même degré de compréhension des textes. La FBF a bien entendu les demandes de Madame Amélie de MONTCHALIN, députée LREM et coordinatrice des députés En Marche à la Commission des Finances, concernant les nouveaux produits à mettre en place. Le système bancaire se mettra à disposition des usagers investisseurs.
Monsieur Benoît de la CHAPELLE BIZOT attire l’attention sur le coût prudentiel des garanties bancaires pour les produits structurés qui a été multiplié par 5.
Le Directeur Général Délégué de la FBF informe que les autorités européennes s’interrogent sur la régulation des Fintechs via l’ESMA, mais tout dépend de quelle Fintech il s’agit car cela pourrait être contre-productif de passer par un collège de superviseurs.
Selon Monsieur Benoît de la CHAPELLE BIZOT, l’impact de l’intelligence artificielle sur le secteur bancaire sera dans 4 ou 5 ans et ne portera pas que sur les métiers de la vente mais surtout sur les back office.
Madame Corinne DROMER, Présidente du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF), indique que le CCSF a travaillé sur l’IPID et a proposé des modèles. Le CCSF se prononcera également sur PRIIPS afin que le consommateur puisse comprendre le produit et comparer.
Selon Madame Corinne DROMER, la réglementation DSP2 est une révolution industrielle car il y a de nouveaux acteurs en plus des acteurs bancaires. Les changements dans les relations avec les clients se traduisent par une segmentation des services financiers. L’arrivée du digital est une forme de fragmentation des services financiers pour les particuliers.
Monsieur Patrick MONTAGNER, Secrétaire Général Adjoint de l’ACPR, indique que la modification de la réglementation est constante chaque année mais ne concerne pas tous les acteurs en même temps. Depuis 2008, il y a eu nombre de modifications dans le secteur bancaire. Pour 2018, les intermédiaires vont devoir prendre en compte la Directive sur la Distribution d’Assurance (DDA) même si la Commission européenne décide probablement le 20 décembre prochain de reporter son entrée en vigueur de quelques mois. L’ACPR est ouverte à la discussion avec les producteurs et distributeurs s’agissant des conséquences de cette directive. Le devoir de conseil en assurance est précisé et l’ACPR constate que la réglementation peut aller assez loin.
Dans le cadre du contrôle des intermédiaires, l’ACPR souhaite ne pas être dans le seul contrôle de conformité (les contrôleurs pourront émettre des remarques pour information aux intermédiaires contrôlés pour des imperfections mineures) et plutôt relever les manquements qui ont un impact sur le client, par exemple la façon dont le produit a été vendu et pourquoi cela n’a pas marché.
Monsieur Patrick MONTAGNER rappelle également que trop de clients se font piéger par des intermédiaires qui ne sont pas immatriculés à l’ORIAS et n’ont pas le droit d’exercer.
« La finance est une question de confiance » selon Maître Silvestre TANDEAU de MARSAC. La réglementation doit maintenir cette confiance. Les acteurs régulés doivent avoir confiance en leur régulateur et pour cela il faut de la lisibilité et de l’intelligibilité.
Monsieur Patrick MONTAGNER, en réponse à une question sur les conséquences pour les professions régulées, rappelle qu’aucun secteur n’échappe au changement et que les périodes de concentration des acteurs économiques sont toujours suivies d’un retour à une certaine fragmentation comme on le voit aujourd’hui avec les Fintech. Par ailleurs pour être toujours adaptées aux modifications réglementaires quand on est une petite structure, il souligne l’importance des associations dans l’accompagnement de leurs adhérents pour la veille réglementaire.
La mise en place de nouveaux services, en liaison avec le surcroit de réglementation, génère le développement d’agrégateur de comptes, ce qu’il faudra monitorer au plus près selon Madame Corinne DROMER.
Statistiquement, les entreprises ont changé de modèles en raison des changements réglementaires, d’après Monsieur David CHARLET. Certains CGP craignent la technologie qui s’impose à eux et qui doit être intégrée mais nous n’avons pas le choix vis-à-vis de notre modèle économique.
Selon Monsieur Eric PINON « ce qui fait notre force c’est la confiance que les gens nous ont donnée ».
Monsieur David CHARLET rappelle qu’avec le Brexit, la France va devenir leader en Europe, il est donc nécessaire de trouver une solution ce que le CCSF, qui n’existe pas dans d’autres pays, essaiera de faire.
Finalement
Ainsi s'achève la 11ème édition des Conférences de l'Entreprise :
David CHARLET constate le besoin de collaboration entre les acteurs présents, souhaité par tous et insiste sur l’action de nos professionnels, à la fois capables de conseiller les investisseurs et les acteurs ayant besoin de capitaux.